Olivier Bisback, le Belge qui tombe à pic : “The Fall Guy montre la réalité des cascadeurs”
Notre compatriote est un expert, qui a déjà doublé Jean-Claude Van Damme, Nikolaj Coster-Waldau, Benoît Poelvoorde ou même Yolande Moreau. Pour Ryan Gosling, qui tient le rôle principal dans The Fall Guy”, “les cascadeurs sont les vrais héros”.
- Publié le 23-04-2024 à 15h12
Olivier Bisback, c’est l’homme qui tombe à pic. Depuis une trentaine d’années, avec une jolie collection de cicatrices à la clef, cet Alostois de 51 ans double Jean-Claude Van Damme (devenu son ami), Benoît Poelvoorde, Nikolaj Coster-Waldau ou même Yolande Moreau (“ elle devait transporter deux cadavres de 160 kilos au total”), remplace les stars lors des combats musclés, saute des toits, accidente des voitures ou règle des cascades des deux côtés de l’Atlantique. Impossible de trouver mieux que le “Fall Guy belge” (son surnom) pour analyser… The Fall Guy, la comédie d’action de David Leitch sur les coulisses des scènes d’action hollywoodiennes.
“En sortant de la projection, j’ai ressenti la même excitation que lorsque je regardais Karaté Kid, Rocky ou Rambo, qui m’ont donné envie de devenir cascadeur, explique-t-il, enthousiaste. Ce qu’on voit à l’écran, avec la gestuelle et les répliques tirées des classiques, c’est la réalité. The Fall Guy, c’est ma vie.”
Quelle scène vous a le plus impressionné ?
“Le record du monde de canon roll, avec huit tonneaux et demi. Je suis certain qu’ils ont préparé pendant des mois cette seule cascade mécanique et pneumatique, avec des pistons. Il faut donner le bon coup de volant au bon moment avec une voiture plus légère, spécialement préparée pour ça. Ils ont dû en crasher pour atteindre un tel résultat. En Belgique, la pression est énorme : on ne peut faire qu’une seule prise, parce qu’on n’a qu’un véhicule ! Aux États-Unis, on répète jusqu’à ce que ce soit parfait. Pour Fast&Furious, plus de cent bolides ont été envoyés à la casse. À l’écran, cela donne l’impression d’être facile, mais dans la vraie vie, c’est impossible à reproduire.”
À la ville, vous êtes du genre casse-cou ?
“Ah non ! C’est le contraire : j’évite tous les dangers. À la kermesse, ma fille veut faire les attractions à sensation et moi pas (rire). Par contre, dès que j’enfile ma casquette de cascadeur, un peu comme Clark Kent et Superman, je deviens un autre homme. Le cinéma, c’est ma vie, ma passion. Je pense tout le temps aux cascades, aux manières de les réaliser.”
Quelle fut la plus dangereuse ?
“Sur le tournage de Domino, je devais doubler Nikolaj Coster-Waldau et tomber d’une corniche de 20 mètres de haut. On avait mis les matelas de protection et tout répété, mais au moment de tourner, puisqu’on était censé atterrir dans des légumes, une assistante a déplacé un cageot de tomates pour que ce soit plus joli à l’image. Il y avait des montants : ma veste en cuir a été déchirée et j’ai été blessé au bras. Quelques centimètres sur le côté, dans le cou ou le cœur, et j’étais mort.”
Quelle est votre spécialité ?
“J’aime régler les cascades, et je fais tout. Quand je vois les footballeurs s’entraîner le matin et se reposer l’après-midi pour être prêts pour le week-end, ça me fait bien rire. Nous, on ne sait jamais à l’avance ce qu’on va nous demander. Il faut donc être prêt à tout et s’entraîner, au moins 30 ou 40 heures par semaine, à la boxe, aux arts martiaux, à la gymnastique, au fitness… Et quand je vois un escalier, je me demande instinctivement comment tomber dedans (rire). C’est un engagement de tous les jours. Mais cela a un prix : j’ai les muscles d’un homme de 32 ans mais les articulations d’un octogénaire…”
“Fall Guy” est une expression à double sens, qui veut dire cascadeur mais aussi bouc émissaire.
“Le film joue là-dessus. Avec 85 % des acteurs, cela se passe très bien. Il y a du respect et de la complicité. Je ne peux pas citer de nom, mais avec certaines stars, ce n’est pas du tout le cas. Un jour, après une cascade réussie, tout le plateau applaudit. Et l’acteur principal dit : “Waouw, c’était tellement bon qu’on va dire que c’est moi que l’ai faite ! ” Là, j’avais les boules, mais je ne l’ai pas montré. Il faut quatre choses pour faire un bon cascadeur : les connaissances, le physique, la chance de se trouver au bon moment au bon endroit, et la positive attitude. Par exemple, j’ai fait la torche et je sens que c’est parfait. Puis le réalisateur demande de refaire la prise parce qu’un figurant présentait un mauvais profil. Eh bien, je lève le pouce en souriant et c’est reparti !”
Cette comédie d’action montre aussi les tensions qui peuvent exister sur un plateau…
“Il m’est arrivé qu’on me considère comme le petit Flamand juste bon à porter les valises. J’ai aussi été viré un jour parce que le comédien principal trouvait que j’étais trop grand et trop beau. En Allemagne, un réalisateur voulait tout contrôler. Mais il donnait les consignes au mauvais moment et la voiture se trouvait encore loin alors qu’elle devait renverser un piéton. C’est un métier où rien ne peut être laissé au hasard. Mais généralement, plus le cinéaste est connu, comme Brian De Palma, mieux les choses se passent.”
Vous ne craignez pas d’être remplacé par l’intelligence artificielle à l’avenir ?
“J’ai été le premier cascadeur belge reconnu aux États-Unis et je serai probablement le dernier. Dans cinq ans, peut-être dix, nous deviendrons des chorégraphes de scènes d’action. Beaucoup d’effets physiques ont déjà disparu. Regardez Steven Seagal : c’est toujours le même impact de balle avec le même écoulement de sang chez lui. C’est généré informatiquement. Cela se voit. Rien ne remplace la réalité. Mais je serai sans doute le dernier des Mohicans…”
Ryan Gosling : “Les cascadeurs sont les vrais héros”
Ryan Gosling, qui tient avec Emily Blunt le rôle principal de The Fall Guy, a tenu à rendre hommage aux cascadeurs. “Je fais ce métier depuis 30 ans et j’ai travaillé toute ma carrière avec des doublures : ce sont les personnes les plus généreuses au monde, a-t-il déclaré à PA News Agency. Ils se mettent en action, prennent les coups à votre place, sont blessés pour que vous ne le soyez pas, et n’en retirent aucune gloire. Ce n’est pas cool, il faut que ça change. C’est très excitant de faire partie d’un projet comme celui-ci qui braque la caméra sur eux, car ce sont eux les vrais héros.”